Animation du 9 oct 2023 - Découverte de l’if et de ses vertus

, par Florence Cornu

Promenade botanique avec Marie-Rose Frichet-Ramarao, le 9 octobre 2023 :

"Découverte de l’if et de ses vertus"

Sous une magnifique lumière d’été indien, Marie-Rose nous a initié à l’if (Taxus baccata), arbre aux allures plutôt sombres. Bien qu’il s’agisse d’un conifère, nous avons appris que l’if ne produit pas de cônes, mais des graines contenues dans des enveloppes charnues d’un rouge appétissant en cette saison. Les oiseaux s’en régalent et disséminent les graines qui voient leur pouvoir germinatif augmenter grâce au passage dans leur tube digestif. On peut voir nombre d’ifs jeunes à l’Observatoire, plantés par les oiseaux.

C’est aussi la seule partie comestible par l’être humain. Toutes les autres parties de cet arbre sont hautement toxiques. Seul les arbres femelles produisent ces « arilles », comme nous avons pu l’admirer avec l’if femelle pluri-centenaire présent sur le campus de l’Observatoire à Meudon. Un arbre mâle, âgé peut-être de 300 ans, se trouve à proximité et montre les prémisses de fleurs. C’est là une autre exception de l’if, car les conifères produisent généralement des cônes mâles et des cônes femelles sur le même arbre.

L’if femelle avec arilles et prémisses de fleurs sur la branche de l’if mâle

Marie-Rose nous a expliqué que l’if pousse très lentement. L’écorce écailleuse des sujets jeunes est plutôt brun rougeâtre, tandis celle des arbres plus âgés tend vers le violet comme ici à l’Observatoire. L’if est célèbre pour sa longévité, le plus vieil arbre connu en Écosse dépasserait les 2000 ans. Certains disent qu’il peut atteindre 5000 ans, mais du fait que son tronc se creuse avec l’âge, une estimation par comptage d’anneaux devient impossible.

https://www.woodlandtrust.org.uk/blog/2018/01/ancient-yew-trees/

Il aime les sols humides au départ de sa vie, puis résiste plutôt bien à la sécheresse et au froid jusqu’à – 23°C. Les forêts d’ifs ont disparu en Europe, mais on en trouve des traces dans la toponymie. Le nom de la ville d’Évreux en Normandie viendrait du terme eburo, soit le nom gaulois de l’if. Voilà pourquoi les habitants d’Évreux s’appellent les Ébroïciens !

Écorce violacée et bougeoir en bois d’if : la partie claire correspond au bois jeune

Le bois d’if est très dur, imputrescible et souple en même temps. Qualité qui lui a valu d’être le bois de prédilection pour les arcs au Moyen Âge. Bien que minoritaires, les archers anglais auraient gagné maintes batailles pendant la guerre de cent ans grâce à cette arme qui demandait un entraînement long et exigeant. La position en forme de V de leurs doigts sur l’arc serait peut-être même à l’origine du signe « victory ». Son bois est également apprécié par les luthiers et les ébénistes, comme le montre le bougeoir que Marie-Rose a apporté.

Le tronc de l’if prend des formes variées. On voit souvent plusieurs troncs, plus ou moins soudées, voire des branches qui s’incorporent dans le tronc voisin.

L’écorce de l’if du Pacifique (Taxus brevifolia) a été utilisée par les Amérindiens du Nord-Ouest, comme désinfectant, agent abortif et médicament contre le cancer. Avec l’explosion des cancers dans la population américaine, le National Health Institute a commencé à s’intéresser aux vertus anti-cancéreuses des plantes à partir des années 60 et confirme ses propriétés avec le Taxol contenu dans l’écorce des ifs. Pour produire 1kg de taxol, il faut 10000kg d’écorce.

Cet usage a rapidement conduit au dépérissement des ifs et à des recherches pour synthétiser le principe actif à partir de composants naturels contenus dans les feuilles. L’équipe de Pierre Poitier y parvint dans les années 1980 dans un laboratoire à Gif-sur-Yvette avec la découverte du Taxotère réputé encore plus efficace que le Taxol :

https://www.cnrs.fr/fr/presse/la-navelbiner-et-le-taxoterer-histoires-de-sciences

La saga thérapeutique de l’if est loin d’être terminée. Car une synthèse totale du Taxol n’a pas été réussie jusqu’à présent. Un chimiste américain a trouvé un champignon derrière l’écorce de cet arbre qui produit son propre Taxol. Or, le Taxol est un antifongique et des chercheurs se demandent si le Taxol n’est pas un médicament produit par les ifs pour se protéger contre ce champignon, sachant que l’if pousse à l’origine sur des sols plutôt humides, donc dans un milieu propice aux champignons. S’agit-il ici d’un premier exemple de transfert de gènes ? Affaire à suivre … lors d’une prochaine promenade botanique.

Un grand merci à Marie-Rose pour le partage très pédagogique de sa passion pour le règne végétal !

Texte : Saskia Coudé du Foresto / Photos : Saskia et Vincent Coudé du Foresto et Jean Commère

Nous vous rappelons que nous possédons des CD dont l’un concerne l’If, ils sont disponibles sur demande.